vendredi, 31 octobre 2014
Péguy, l'enseignement et la société moderne ... une société qui ne s'estime pas ! Des réflexions comme d'aujourd'hui ...
« La crise de l’enseignement n’est pas une crise de l’enseignement; il n’y a pas de crise de l’enseignement; il n’y a jamais eu de crise de l’enseignement; les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement; elles sont des crises de vie; elles dénoncent, elles représentent des crises de vie et sont des crises de vie elles-mêmes elles sont des crises de vie partielles, éminentes, qui annoncent et accusent des crises de la vie générales; ou, si l’on veut, les crises de vie générales, les crises de vie sociales, s’aggravent, se ramassent, culminent, en crises de l’enseignement qui semblent particulières ou partielles, mais qui, en réalité, sont totales, parce qu’elles représentent le tout de la vie sociale. C’est en effet à l’enseignement que les épreuves éternelles attendent, pour ainsi dire, les changeantes humanités; le reste d’une société peut passer, truqué, maquillé; l’enseignement ne passe point… Quand une société ne peut pas enseigner, ce n’est point qu’elle manque accidentellement d’un appareil ou d’une industrie quand la société ne peut pas enseigner, c’est que cette société ne peut pas s’enseigner; c’est qu’elle a honte, c’est qu’elle a peur de s’enseigner elle-même; pour toute humanité, enseigner, au fond, c’est s’enseigner; une société qui n’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas; qui ne s’estime pas; et tel est précisément le cas de la société moderne ». ♦
Charles Péguy
Pour la rentrée (1904), Œuvres en prose complètes, I, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de La Pléiade, pp. 1390-1392.
07:43 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 24 octobre 2014
Où Georges Bernanos, avec Maurras, mais à sa façon, défend le politique d'abord
« A des devoirs correspondent des droits, à de lourds devoirs, des droits étendus ! Maurras ne cesse de le rabâcher dans les colonnes de son journal ! Mais je savais cela avant d'avoir lu une seule ligne de Maurras. (...) Mais MM. les théologiens se défilent dès qu'on leur rappelle ces vérités là ! Ils parlent aussitôt de machiavélisme : "Alors, pas de morale en politique ?" font-ils d'un ton malin. Leur alors est enfantin ! Faut-il que ce soit moi, Georges Bernanos, qui leur récite le catéchisme et leur réponde que l'action politique est sujette à la morale comme toute action humaine, mais qu'elle l'est suivant l'ordre de sa nature, qui est ce qu'elle est et qu'on ne peut changer avec de l'encre sur le papier ! Oui, le roi doit répondre de son peuple devant Dieu, mais il doit d'abord répondre de l'Etat devant son peuple ... C'est ça le politique d'abord, car on se doit de l'entendre dans l'ordre des moyens et non dans l'ordre des fins ! Ah ! nos nouveaux théologiens me font pitié ! Ils confondent primauté et priorité, prius et primum, car ils ne savent même plus le latin ! Le Suisse ne passe-t-il pas avant le Saint-Sacrement dans les processions ? Est-ce à dire que l'homme à la hallebarde qui garde, lui, son bicorne emplumé sur la tête, passe avant le bon Dieu ? »
Georges Bernanos
Le Combat pour la liberté. Correspondance inédite, tome 2 (1934-1948), Paris, Plon, 1971
09:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 17 octobre 2014
Comme Unamuno se sent l'âme médiévale et comme Baudelaire méprise la modernité, Verlaine rêve d'un temps revenu à "la chose vitale" ...
Non. Il fut gallican, ce siècle, et janséniste !
Non. Il fut gallican, ce siècle, et janséniste !
C'est vers le Moyen Age énorme et délicat
Qu'il faudrait que mon coeur en panne naviguât,
Loin de nos jours d'esprit charnel et de chair triste.
Roi, politicien, moine, artisan, chimiste,
Architecte, soldat, médecin, avocat,
Quel temps ! Oui, que mon cœur naufragé rembarquât
Pour toute cette force ardente, souple, artiste !
Et là que j'eusse part - quelconque, chez les rois
Ou bien ailleurs, n'importe, - à la chose vitale,
Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits,
Haute théologie et solide morale,
Guidé par la folie unique de la Croix
Sur tes ailes de pierre, ô folle Cathédrale !
Paul Verlaine
Portrait : Paul Verlaine en 1890
(Eugène Carrière, musée d'Orsay)
03:03 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 10 octobre 2014
Jacques Perret : Qu'on le veuille ou non, la France est née royaume ...
« Qu'on le veuille ou non, la France est née royaume, elle ne tient que par ses ruines encore debout, et la République n'y loge non sans malaise : l'héritage lui fait mal, lui fait honte, elle voudrait pouvoir s'en passer, le balancer dans les ténèbres de la préhistoire. Elle en a contracté une espèce de délire contagieux qui nous précipite vers la vérité des autres, n'importe quelle vérité, pourvu qu'elle ne porte pas l'odieux poinçon de la croix et du lys. »
Jacques Perret
Chroniques, Arcadia, 2006
13:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 03 octobre 2014
Frédéric II avait prédit à Voltaire le fanatisme de la raison, celui du XXème siècle, celui des siècles révolutionnaires
« Nous avons connu le fanatisme de la foi. Peut-être connaîtrons-nous, mon cher Voltaire, le fanatisme de la raison, et ce sera bien pire »
Frédéric II
Voltaire, Correspondance, La Pléiade (13 tomes).
08:20 | Lien permanent | Commentaires (0)